Discographie de Don Giovanni

Comme nous allons tous être privés de Don Giovanni ce mois ci, ceux qui n'ont pas de place de fait, et ceux qui en ont par le double miracle Haneke-Cambreling (et je ne parle pas de certains éléments de casting), faisons contre mauvaise fortune bon coeur, et ressortons nos disques en attendant la nouvelle production du TCE.

Parmi les versions de Don Giovanni que j'aime, il y a avant tout Mitropoulos pour le bonheur de ce cast parfait, Giulini qui reste envers et contre tout un classique indétronable, mais aussi Abbado pour la finesse et la richesse de détail de l'orchestre, et Gardiner pour la vie de l'ensemble et l'élégant Giovanni de Rodney Gilfry, que seul devance à mon sens le fabuleux Peter Mattei chez Harding.

Par ailleurs, peut-être moins parfaits mais euphorisants, le live de Böhm 55 en allemand avec London, Della Casa, Jurinac, Seefried, Dermota, Kunz et Weber et celui de Rosbaud en 50 à Aix avec Capecchi, Danco, Arie et Simoneau, sont dans deux styles très différents, noir et tendu pour Böhm, délicieusement latin et léger pour Rosbaud, absolument stupéfiant de vie et d'allant; les deux dans des tempi d'ailleurs d'une urgence confondante.

Je viens d'acquérir le Muti qui me faisait envie depuis longtemps, mais n'ait pas encore été en mesure de l'écouter.

Attendre cinq heures du matin pour dire que le Don Giovanni de Giulini est indétrônable, c'est pardonnable mais assez fourbe.

Tu vas voir demain !

Je n'ai pas dit que le Don Giovanni de Giulini était indétronable, mais qu'il était le "classique indétronable". Nuance, fine certes, mais nuance quand même.

Oui, oui, on avait bien compris, mais le Don Giovanni de Giulini se contente de trôner sur la Pachydermie, beau royaume au demeurant.

Appliques tu le terme de pachydermie aux critiques qui n'auraient pas la finesse d'aller se risquer ailleurs, ou bien au rendu musical de cette version? Dans le second cas, je te trouverai fort injuste envers une interprétation tendue, riche, et globalement bien plus latine et légère que ce que l'on pouvait entendre à l'époque, les cas particuliers Rosbaud et Krips exceptés.

Tiens, en parlant d'âge, j'ai oublié Busch dans mes versions chéries: une Anna de braise, un Ottavio inégalé, un Leporello savoureux... et une direction géniale!

Friedmund a écrit:Appliques tu le terme de pachydermie aux critiques qui n'auraient pas la finesse d'aller se risquer ailleurs, ou bien au rendu musical de cette version?

Les deux, Herr Wälsung !

Alors, je vais faire de la pub pour des versions qui ne sont pas considérées comme "de référence" :

1) Solti I (Decca) : Weikl, M. Price, Sass, Popp, Burrows, Bacquier, Moll, Sramek
Solti est noir, implacable, cassant, Weikl n'est pas élégant et même un peu brut(e) — ça se défend ! –, tous les autres sont remarquables à des titres divers : le théâtre (Bacquier), la splendeur vocale (Price !!! Popp !!! Moll !!!), le caractère (Sass, très attachante). Popp est peut-être la Zerline la plus extraordinaire que j'aie entendue. Et Price déploie plus qu'une voix sublime, une vraie intensité dramatique dans une conception hautaine du personnage.
Version archi-complète (avec le duo Zerline-Leporello, que j'aime beaucoup).

2) Fricsay (DG) : Fischer-Dieskau, Jurinac, Stader, Seefried, Haefliger, Kohn, Kreppel, Sardi.
La direction de Fricsay est un enchantement, once more, alliant tension et légèreté. Individuellement, les chanteurs vont de l'affreux (Kohn en Leporello, teutonissime) à l'excellent (l'Anna de Jurinac, malgré un aigu devenu très tendu, offre une caractérisation absolument inoubliable, et quel érotisme) en passant par l'exotique (Stader chante Elvire à peu près comme une furie baroque) et l'ultra-maniéré (Fischer-Dieskau et Seefried); Mais l'ensemble fonctionne, grâce au chef.

3) Böhm, live Londres 1954 (Archipel) : London, Grümmer, Jurinac, Loose, Simoneau, Berry, Weber
Son très écoutable, quelques passages de la bande tronqués. Tension infernale de Böhm, qui semble électriser le plateau. Je suis fou de London, de Jurinac en Elvire, Grümmer et Simoneau sont dignes de leur légende (mais qu'il vaut sans doute mieux écouter avec Mitropoulos, live Salzbourg 1956, Sony).

Et puis, quand même, grande tendresse pour la bande du film de Losey, mal dirigée par Maazel, inégalement chantée, mais les compositions de Raimondi et de Moser ne s'oublient pas (tout le récit de la tentative de viol et l'air de vengeance d'Anna sont saisissants). mais il faut mieux bénéficier de l'image pour ces deux-là.

Parmi toutes celles que je ne connais pas, j'aimerais entendre le live de Solti avec Siepi, Gencer et Jurinac. Et le live de Karajan à Vienne avec Wunderlich.

Au sommet : le Don Giovanni de Böhm à Londres en 1954, celui de la réouverture de l'opéra de Vienne en 1955, ainsi que celui de Mitropoulos et celui de Sawallisch à Munich en 1973 avec Raimondi. J'aime aussi l'enregistrement de Furtwängler à Salzbourg (1953), très noir.
Dans les versions de studio, je garde un faible pour la version Giulini (celle qui m'a fait découvrir cet opera), celle de Muti et celle de Haitink.
Mais.... je déteste celle de Maazel et lefilm de Losey !
Kat.

Le live de Londres en 54, il est en italien ou en allemand?

Kat a écrit:Mais.... je déteste celle de Maazel et lefilm de Losey !
Kat.

Tu vas être contente, Arte diffuse le film la semaine prochaine ! (je sais, je l'ai déjà dit... )

Hey, pourquoi y a un petit point rouge devant le titre du fil ?

Edition: ayé j'ai trouvé, c'est parce que j'ai posté

Friedmund a écrit:Le live de Londres en 54, il est en italien ou en allemand?

Italien. C'est vraiment un sommet de la discographie, avec l'un des plateaux les plus équilibrés et Böhm très tendu.

Je détaille un peu en attendant de mettre une liste en tête de ce fil :

Sawallisch (live Munich, Melodram) : Raimondi, M. Price (Anna), Varady (Elvire), Popp, H. Winkler, St. Dean, K. Moll
Böhm 1955 (live réouverture Opéra de Vienne, RCA) : London, Della Casa (Anna), Jurinac (Elvire), Seefried, Dermota, Kunz, Weber = en allemand, récitatifs au piano comme pour Londres 54.

C'est vrai que cet autre live de Böhm est impressionnant aussi : et quel trio féminin !

Bon ben en tous cas merci à Bajazet d'avoir défendu Fricsay et Solti !
Pour Giulini je dis juste comme ça qu'on a bien meilleure Donna Anna que ma très chère Sutherland que je trouve bien tristounette là dedans.
Mais elle fait de beaux la dans Or Sai chi l'onore ....
Je ne connais pas grand chose de la version Klemperer mais j'ai été très favorablement impressionné par ce que j'en ai entendu c'est à dire des bouts de l'Elvira de Ludwig, quand même somptueuse, et des morceaux de l'Anna de Claire Watson, quand même allumée.

Tiens, tu ne nous dis rien de la Zerline de Freni, Francesco adorato ?

Grâce à Kat, j'ai été repêcher le Don Giovanni de Böhm à Vienne.

Lisa Della Casa en Anna est phénoménale : ceux qui la prennent pour une artiste un peu lunaire, froide et distanciée feraient bien d'aller l'entendre là-dedans. Quelle flamme ! Et quelle jeunesse aussi !

Quant à Jurinac, une fois de plus magistrale et émouvante en Elvire, elle montre à l'envi tout ce qui aura fait défaut à Schwarzkopf dans ce rôle.

Et la reprise murmurée de "Dalla sua pace" par Dermota, c'est quelque chose ! Quels artistes…

En ce moment sur Radio Classique un Don Giovanni non identifié.
Je crois avoir reconnu Keith Lewis en Ottavio, auquel cas ce pourrait être la version Haitink avec Allen ?

C'est bien Haitink.
Je suis épaté par la Zerline d'Elizabeth Gale. Elle a des accents à la Popp par moments. Par contre je trouve Vaness un peu ouah ouah

Je n'ai jamais compris la réputation de Vanness en Donna Anna. Par contre, je trouve son Elvira épatante chez Muti.

Quelqu'un a des pilules contre le mal de mer ?
Je viens d'entendre "Mi tradi" par Maria Ewing

Keith Lewis me plaît beaucoup.

Keith Lewis est une des plus belles choses que j'ai entendues dans la partie de ténor de la 8° de Mahler. C'est somptueux, à la fois suave et héroïque.

Je l'ai entendu une seule fois, il y a 2 ans dans Lohengrin avec Delunsch. Mais il peinait, le pauvre (il n'est plus tout jeune je crois).

Il était le seul à peiner dans ce Lohengrin ?

Le Chevalier perfide

C'était au Grand Théâtre de Bordeaux. Delunsch manquait un peu de souffle mais ce n'était pas indigne, loin de là. Lewis transpirait de façon hallucinante et la voix flageollait tout le temps, comme s'il allait la perdre.

Tous les 2 étaient au mieux dans le duo de la chambre. Delunsch était même géniale théâtralement. Cela étant, elle n'a guère la couleur d'Elsa, sans même parler de la longueur de souffle.

C'est ce qui me fait peur pour elle à Bastille face à Heppner et Meier.