Giulio Cesare Lille 18/05/07
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Giulio Cesare Lille 18/05/07
Direction : Emmanuelle Haïm
Mise en scène : David Mc Vicar
Cesare : Sonia Prina
Cleopatra : Anna Christy
Cornelia : Charlotte Hellekant
Sesto : Tuva Semmingsen
Tolomeo : Christophe Dumaux
Achilla : Simon Bailey
Nireno : Rachid Ben Abdeslam
Curio : Alexander Ashworth
Rares sont les reprises de productions marquantes qui atteignent le niveau de leur création. Les désillusions sont fréquentes (je pense, à titre d'exemple, à un "Viaggio a Reims" ronconien tristounet au possible à Bruxelles). Pari risqué pour l'opéra de Lille de revisiter la production venue de Glyndebourne du Cesare Haendélien. Pari tenu !
Disons d'emblée que je n'ai eu à aucun moment l'impression de voir tourner à vide une machine conçue pour d'autres. Toute l'équipe s'est investie au point que chacun habite son rôle et semble le créateur de la production. Tous les chanteurs sans aucune exception se révèlent des acteurs consommés, acrobates, danseurs d'un niveau vraiment impressionnant. La production respire, ménage rires et pathos aves un équilibre que l'on retrouve en fosse : superbe direction de Haïm, tout d'une coulée, sans heurts caricaturaux, avec une véritable respiration, des tempi très justes - pas de lentissimo pour un adagio, pas de prestissimo pour un allegro. Les détails sortent de la masse sans jamais l'écraser - syndrome Harnoncourt : un accord de cuivre prend la place de l'accord orchestral. Le continuo assure avec souplesse son rôle, très attentif aux jeux de scène et aux libertés des chanteurs. Musicalement, scéniquement, c'est donc un vrai régal.
Vocalement, c'est plus inégal. Mais confrontés à leurs collègues de l'équipe anglaise immortalisée en DVD, force est de constater que les chanteurs réunis à Lille sont, dans leur ensemble, supérieurs.
Passons sur un Nireno cabotin et seulement danseur, et sur le piètre Tolomeo de Dumaux, certes ébouriffant scéniquement - cabriole comprise - mais dont la tessiture basse de Tolomeo met à nu la pauvreté insigne de son instrument - on entend réellement trois notes dans sa voix. Quand l'instrument se fait enfin entendre, de surcroît, sa voix vibre de la plus désagréable manière. Et dire qu'il va aborder Orlando... encore plus grave que Tolomeo !!!
Simon Bailey est le meilleur Achilla que j'ai entendu en salle, à la projection arrogante, aux vocalises précises, aux cadences spectaculaires et au timbre mordant : bravo ! Je rêve de le réentendre en Argante ou en Zoroastro. L'acteur est au diapason.
Tuva Semmingsen, comme la Kirschlager du DVD, accuse une faiblesse nette du bas medium et plus encore du grave, handicap surtout gênant dans "Svegliatevi nel core". Mais "Cara speme" est conduit comme une flûte ; "L'angue offeso" et "la justizia" se déroulent pour leur part avec musicalité et prestance. Une belle performance, touchante, quoique parfois un peu générique. L'actrice joue juste.
Hellekant n'est plus que l'ombre d'elle-même (il y a cinq ans, elle était encore une belle Cornelia) : elle peine à se faire entendre. La présence est intense et pleine de classe, mais le spectateur reste frustré dans les airs, les récitatifs se chargeant par contre de la rage requise. Bardon lui était nettement préférable.
Reste le cas des deux "héros" de la soirée.
Connolly avait pour elle musicalité, variations et dignité. Prina - en remplacement de Mehta - possède une présence forte, virile et impressionnante. Ses vocalises sont imprécises et curieusement exécutées - "Presti omai" et, plus encore, "empio diro" en feront les frais. La messa di voce de "aure" n'est pas non plus son fort. Mais elle a un cran et surtout le registre grave qui font tant défaut à ses consoeurs - Connoly comprise. Daniels, Scholl,Connolly et tant d'autres sont tellement inaudibles dans cette zone pourtant essentielle du rôle que l'on se prend à apprécier cette voix sauvage, mordante dans le grave. Tant pis pour le versant baroque et virtuose, tant mieux pour l'impact global du rôle.
De Niese était surtout une meneuse de revue : sur le plan vocal, rien n'était réellement assumé, et les aigus étaient - pour une oreille capable de ne rien "voir" - problématiques. Sans Mc Vicar, à Garnier, elle révélait d'ailleurs toutes ses failles techniques ( avec un soutien impossible la conduisant à détonner en permanence). Sur le premier plan, Anna Christy peut presque lui en remontrer : elle danse, joue, virevolte avec une facilité déconcertante. Sur le plan vocal, elle reste un soprano legér - je rêve d'y entendre une Fleming policée. Malgré tout, les piani flottants de "Se pieta" ou "Piagero" sont bien mieux négociés que ceux de sa consoeur, et les cadences dans l'aigu voire le suraigu sont bien plus excitantes - quoique toujours stylistiquement justes, merci Madame Haïm. Là encore, plus value à Lille sur Glyndebourne.
Au total, une soirée harmonieuse, menée tambour battant, avec un public enthousiaste, un orchestre au ravissement visible, une entente collective lisible sur tous les visages ( avec échanges entre musiciens et chanteurs au rideau final). Une fort belle soirée de musique, où l'oeuvre est au premier plan, réellement SERVIE par une équipe.
J'oubliais de préciser que l'on assiste à une exécution presque complète, ce qui relève de l'exploit !
D'aucuns, je n'en doute pas, verseront leur fiel prétentieux sur cette production. Je m'y suis régalé et je le dis. Suite des représentations lundi 21, jeudi 24 et samedi 26 mai.
ps : le modérateur pourra-t-il déplacer ce post lors de la réouverture du site standard ? Merci pour le temps consacré à écrire ce message...
Mise en scène : David Mc Vicar
Cesare : Sonia Prina
Cleopatra : Anna Christy
Cornelia : Charlotte Hellekant
Sesto : Tuva Semmingsen
Tolomeo : Christophe Dumaux
Achilla : Simon Bailey
Nireno : Rachid Ben Abdeslam
Curio : Alexander Ashworth
Rares sont les reprises de productions marquantes qui atteignent le niveau de leur création. Les désillusions sont fréquentes (je pense, à titre d'exemple, à un "Viaggio a Reims" ronconien tristounet au possible à Bruxelles). Pari risqué pour l'opéra de Lille de revisiter la production venue de Glyndebourne du Cesare Haendélien. Pari tenu !
Disons d'emblée que je n'ai eu à aucun moment l'impression de voir tourner à vide une machine conçue pour d'autres. Toute l'équipe s'est investie au point que chacun habite son rôle et semble le créateur de la production. Tous les chanteurs sans aucune exception se révèlent des acteurs consommés, acrobates, danseurs d'un niveau vraiment impressionnant. La production respire, ménage rires et pathos aves un équilibre que l'on retrouve en fosse : superbe direction de Haïm, tout d'une coulée, sans heurts caricaturaux, avec une véritable respiration, des tempi très justes - pas de lentissimo pour un adagio, pas de prestissimo pour un allegro. Les détails sortent de la masse sans jamais l'écraser - syndrome Harnoncourt : un accord de cuivre prend la place de l'accord orchestral. Le continuo assure avec souplesse son rôle, très attentif aux jeux de scène et aux libertés des chanteurs. Musicalement, scéniquement, c'est donc un vrai régal.
Vocalement, c'est plus inégal. Mais confrontés à leurs collègues de l'équipe anglaise immortalisée en DVD, force est de constater que les chanteurs réunis à Lille sont, dans leur ensemble, supérieurs.
Passons sur un Nireno cabotin et seulement danseur, et sur le piètre Tolomeo de Dumaux, certes ébouriffant scéniquement - cabriole comprise - mais dont la tessiture basse de Tolomeo met à nu la pauvreté insigne de son instrument - on entend réellement trois notes dans sa voix. Quand l'instrument se fait enfin entendre, de surcroît, sa voix vibre de la plus désagréable manière. Et dire qu'il va aborder Orlando... encore plus grave que Tolomeo !!!
Simon Bailey est le meilleur Achilla que j'ai entendu en salle, à la projection arrogante, aux vocalises précises, aux cadences spectaculaires et au timbre mordant : bravo ! Je rêve de le réentendre en Argante ou en Zoroastro. L'acteur est au diapason.
Tuva Semmingsen, comme la Kirschlager du DVD, accuse une faiblesse nette du bas medium et plus encore du grave, handicap surtout gênant dans "Svegliatevi nel core". Mais "Cara speme" est conduit comme une flûte ; "L'angue offeso" et "la justizia" se déroulent pour leur part avec musicalité et prestance. Une belle performance, touchante, quoique parfois un peu générique. L'actrice joue juste.
Hellekant n'est plus que l'ombre d'elle-même (il y a cinq ans, elle était encore une belle Cornelia) : elle peine à se faire entendre. La présence est intense et pleine de classe, mais le spectateur reste frustré dans les airs, les récitatifs se chargeant par contre de la rage requise. Bardon lui était nettement préférable.
Reste le cas des deux "héros" de la soirée.
Connolly avait pour elle musicalité, variations et dignité. Prina - en remplacement de Mehta - possède une présence forte, virile et impressionnante. Ses vocalises sont imprécises et curieusement exécutées - "Presti omai" et, plus encore, "empio diro" en feront les frais. La messa di voce de "aure" n'est pas non plus son fort. Mais elle a un cran et surtout le registre grave qui font tant défaut à ses consoeurs - Connoly comprise. Daniels, Scholl,Connolly et tant d'autres sont tellement inaudibles dans cette zone pourtant essentielle du rôle que l'on se prend à apprécier cette voix sauvage, mordante dans le grave. Tant pis pour le versant baroque et virtuose, tant mieux pour l'impact global du rôle.
De Niese était surtout une meneuse de revue : sur le plan vocal, rien n'était réellement assumé, et les aigus étaient - pour une oreille capable de ne rien "voir" - problématiques. Sans Mc Vicar, à Garnier, elle révélait d'ailleurs toutes ses failles techniques ( avec un soutien impossible la conduisant à détonner en permanence). Sur le premier plan, Anna Christy peut presque lui en remontrer : elle danse, joue, virevolte avec une facilité déconcertante. Sur le plan vocal, elle reste un soprano legér - je rêve d'y entendre une Fleming policée. Malgré tout, les piani flottants de "Se pieta" ou "Piagero" sont bien mieux négociés que ceux de sa consoeur, et les cadences dans l'aigu voire le suraigu sont bien plus excitantes - quoique toujours stylistiquement justes, merci Madame Haïm. Là encore, plus value à Lille sur Glyndebourne.
Au total, une soirée harmonieuse, menée tambour battant, avec un public enthousiaste, un orchestre au ravissement visible, une entente collective lisible sur tous les visages ( avec échanges entre musiciens et chanteurs au rideau final). Une fort belle soirée de musique, où l'oeuvre est au premier plan, réellement SERVIE par une équipe.
J'oubliais de préciser que l'on assiste à une exécution presque complète, ce qui relève de l'exploit !
D'aucuns, je n'en doute pas, verseront leur fiel prétentieux sur cette production. Je m'y suis régalé et je le dis. Suite des représentations lundi 21, jeudi 24 et samedi 26 mai.
ps : le modérateur pourra-t-il déplacer ce post lors de la réouverture du site standard ? Merci pour le temps consacré à écrire ce message...
lyricomaniaque- Nombre de messages : 14
Localisation : soissons
Date d'inscription : 09/01/2006
Re: Giulio Cesare Lille 18/05/07
: le modérateur pourra-t-il déplacer ce post lors de la réouverture du site standard ? Merci pour le temps consacré à écrire ce message...
C'est prévu pour l'ensemble des posts importants.
Merci par ailleurs pour ce compte-rendu.
Re: Giulio Cesare Lille 18/05/07
on peut peut-être aussi, par mesure de sécurité, garder sur son ordinateur une copie sous word de ses posts. Comme ça, quand Giocoso rouvrira, on pourra chacun y remettre sa prose s'il le souhaite.
ou alors, si c'est vraiement impossible (en ne sait jamais), les posteurs n'ont qu'à garder en mémoire le titre des posts et des fils qu'ils souhaitent retrouver sur Giocoso et communiquer cela à la modération à la réouverture du site.
Kat.
ou alors, si c'est vraiement impossible (en ne sait jamais), les posteurs n'ont qu'à garder en mémoire le titre des posts et des fils qu'ils souhaitent retrouver sur Giocoso et communiquer cela à la modération à la réouverture du site.
Kat.
Kat- Nombre de messages : 518
Date d'inscription : 08/01/2006
Re: Giulio Cesare Lille 18/05/07
http://www.altamusica.com/concerts/document.php?action=MoreDocument&DocRef=3418&DossierRef=3055
jeanch- Nombre de messages : 1140
Date d'inscription : 09/01/2006
ariodante79- Nombre de messages : 41
Date d'inscription : 25/05/2007
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